Actualité : Night Call

Night Call

À force d’enchaîner des projets tous plus excitants les uns que les autres, Jake Gyllenhaal va finir par devenir un label de qualité à lui tout seul. Sous les traits d’un caméraman déterminé et borderline, l’acteur d’ENEMY ajoute une nouvelle bombe à sa filmographie grâce à cette satire virulente et sans concession d’un terrifiant monde capitaliste. Le nôtre.

Lou Bloom, un truand vivant de multiples larcins, cherche à trouver un emploi rémunérateur dans une ville de Los Angeles en crise. Par hasard, il découvre le business des « stringers », des vidéastes freelances spécialisés dans les images-chocs d’accidents de la route ou de faits divers sanglants. Conscient qu’il tient là un filon juteux, Lou décide d’acheter un caméscope et de vendre à prix d’or des enregistrements toujours plus trash. Une fois implanté dans l’univers peu glamour de l’info-spectacle, cet homme solitaire ne souhaite qu’une chose : gravir sans tarder l’échelle sociale et devenir numéro un, quand bien même il devrait se salir les mains afin de se débarrasser de la concurrence…

À l’instar de nombreux comédiens à la carrière en plein essor, Jake Gyllenhaal (prononcer « djilèn-hal ») accepte, en 2010, d’être la vedette de Prince of Persia – les sables du temps, un blockbuster hollywoodien qui aurait dû lui permettre d’asseoir sa position au sein d’une industrie où les chiffres du box-office priment sur la valeur artistique d’un long-métrage. Inspiré d’un jeu vidéo légendaire et produit par le mogul Jerry Bruckheimer (Pirates des Caraïbes), le film de l’Anglais Mike Newell a tout du carton annoncé, de ceux qui transforment un poulain prometteur en star incontestée du type Johnny Depp. Malheur, ce premier volet d’une franchise mort-née sort dans l’indifférence générale (les 330 millions de dollars engendrés pour un investissement de 200 refroidiront des créanciers habitués à récolter bien plus), altérant le destin d’un interprète désormais soucieux de contrôler son image au lieu d’écouter les conseils de son agent ou de son banquier. Comme libéré par cet échec inattendu, Gyllenhaal part se refaire une santé artistique en intégrant la prestigieuse distribution de Zodiac (Robert Downey Jr., Mark Ruffalo, Chloé Sevigny…), quitte à dénoncer plus tard l’exigence maniaque d’un David Fincher aussi obsessionnel qu’un flic coriace. Si le thriller policier du réalisateur de Gone Girl ne remporte qu’un succès modéré au pays de l’Oncle Sam (en Europe, les recettes seront tout à fait respectables), son interprétation de dessinateur en quête de vérité est unanimement saluée par la presse, confirmant que cet acteur découvert à l’âge de 21 ans dans le cultissime Donnie Darko possède à n’en point douter une palette de jeu digne des meilleurs. Une excellente impression que viendra entériner son travail sur des films comme Source Code, End of Watch, Prisoners ou le récent Enemy, dans lequel il campe avec subtilité deux jumeaux paranos. Des rôles intenses, ouvertement ambigus, qui révèlent un talent de caméléon que le bonhomme met une nouvelle fois à profit dans Night Call où il endosse la défroque peu glorieuse d’un « stringer » dont la détermination à s’affranchir de toute barrière morale pour atteindre son but fait carrément froid dans le dos. Amaigri, le teint blême et le regard aiguisé comme une lame, Gyllenhaal s’avère à l’évidence l’une des attractions majeures de cette glaçante success story, même s’il serait restrictif de limiter la réussite du premier long de Dan Gilroy (scénariste de The Fall) à sa seule prestation.

Autant satire lucide du monde des médias qu’illustration caustique du rêve américain, Nightcrawler (titre original plus convaincant) narre l’ascension d’un sociopathe à ce point obsédé par l’avancée de sa vie professionnelle qu’il ne se prive pas de passer du statut de simple observateur passif à celui d’élément (sur)actif, comme lorsqu’il décide de déplacer un cadavre encore fumant dans le seul but d’obtenir un cadrage plus percutant. Un sous-texte assurément méta (au fil du temps, Lou devient une sorte de metteur en scène plongé dans une réalité sur laquelle il influe selon les besoins de sa caméra) qui renforce l’efficacité d’un film n’hésitant pas à virer à la comédie noire sans que la cohérence et le [...]

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