Actualité : Captives

Captives

Après quelques films peu mémorables, Atom Egoyan revient en force avec un thriller qui n’est pas sans évoquer ceux de David Fincher et Brian De Palma. Welcome back !
Array

Un jour d’hiver, près des chutes du Niagara, alors qu’une tempête de neige est sur le point d’éclater, Matthew Lane (Ryan Reynolds) passe prendre Cass, sa fille de dix ans, à la patinoire. Sur le chemin du retour, il s’arrête pour acheter une tarte, la laissant seule dans la voiture l’espace de quelques minutes. Lorsqu’il revient, Cass a disparu sans laisser de traces. Huit ans plus tard, la police a depuis longtemps abandonné les recherches sur le terrain, mais une unité spécialisée dans la surveillance des images pédopornographiques qui circulent sur Internet est toujours sur les dents. Quant à Matthew, désormais séparé de sa femme qui le tient pour responsable de la disparition de leur fille, il ne cesse de sillonner les routes dans l’espoir de la retrouver. C’est alors que son ex-épouse découvre des indices troublants qui semblent indiquer que Cass est toujours vivante : des objets lui ayant appartenu font leur apparition, comme s’ils avaient été laissés là pour qu’elle les trouve…

On aimait l’Atom Egoyan des années 90, celui de The Adjuster, Exotica, De beaux lendemains et Le Voyage de Felicia. Des oeuvres étranges et singulières, très influencées par les films de son compatriote David Cronenberg et ceux de David Lynch, mais dotées de thématiques et de qualités esthétiques qui lui ont permis de s’en distinguer. Ainsi, les sujets tournaient fréquemment autour de déviances sexuelles comme l’exhibitionnisme, le voyeurisme, le viol, l’inceste ou la pédophilie, mais abordaient également le deuil et le dysfonctionnement familial, le tout filmé dans un style faussement clinique mettant en valeur les décors naturels et la musique. Ces dernières années, le réalisateur semblait malheureusement avoir perdu sa capacité à raconter ses histoires comme des contes pour adultes et à jouer avec les codes du cinéma de genre (rappelons qu’il débuta en tournant des épisodes des séries Vendredi 13, Alfred Hitchcock présente et La Cinquième dimension), pour s’orienter vers des films moins captivants et plus « respectables », dont le récent et plombant drame procédural Les 3 crimes de West Memphis. Bref, on avait de plus en plus l’impression d’avoir perdu Egoyan et qu’il s’était lui-même égaré. Captives arrive à point nommé pour démontrer qu’il ne faut jamais préjuger de l’avenir d’un cinéaste, puisqu’il semble y avoir enfin trouvé ce qu’il a toujours cherché : un équilibre instable et donc passionnant entre le thriller malsain et le psychodrame auteurisant, appliqué à un suspense parfois outré dans ses raccourcis un peu trop énormes pour être honnêtes, mais qui, toutes proportions gardées, renvoient à l’intrigue, elle aussi basées sur les coïncidences, du sublime Obsession. Ce n’est sans doute pas un hasard si la position des personnages dans le cadre rappelle parfois des plans de Furie ou de L’Esprit de Caïn, et si l’ogre de l’histoire aurait fort bien pu être interprété par John Lithgow, même si le sens du baroque cher à De Palma cède ici la place à une mise en scène plus cérébrale, dont le montage audacieux, voire mathématique, évoque également le David Fincher de Millénium et Gone Girl. À ce titre et d’un point de vue formel, Egoyan signe là sa plus belle réussite depuis De beaux lendemains. Mais le spectacle ne serait pas aussi prenant s’il ne faisait pas appel à des zones d’ombre fascinantes à explorer. Évitant soigneusement la complaisance que le sujet aurait pu engendrer, résumant l’horreur en deux phrases qui, entendues dans leur contexte respectif, font réellement froid dans le dos (« J’aurais aimé rencontrer une femme comme vous quand j’étais petite » et « Pourquoi ne pas me laisser partir maintenant que j’ai grandi et que je ne vous intéresse plus ? »), Egoyan va plus loin : à travers l’un des personnages secondaires, il lance des pistes peu rassurantes quant aux ramifications potentielles du réseau dont il est question, mais s’en écarte rapidement, laissant le soin au spectateur d’avoir une vision d’ensemble en assemblant certaines pièces du puzzle. Ainsi, le policier présenté au début comme un spécialiste de la reconnaissance visuelle, mais qui n’intervient plus par la suite, n&r [...]

Il vous reste 70 % de l'article à lire

Ce contenu éditorial est réservé aux abonnés MADMOVIES. Si vous n'êtes pas connecté, merci de cliquer sur le bouton ci-dessous et accéder à votre espace dédié.

Découvrir nos offres d'abonnement

Ajout d'un commentaire

Connexion à votre compte

Connexion à votre compte