24ÈME FESTIVAL INTERNATIONAL DU FILM FANTASTIQUE GÉRARDMER

Comme chaque année, la Mad Team est partie bouffer du film et du fromage fondu sous la neige des Vosges. Et en revient avec un compte-rendu maousse, exploration en profondeur d’une sélection solide au sein de laquelle s’est distingué à juste titre le puissant Grave de Julia Ducournau, récompensé du Grand Prix et du Prix de la Critique.
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LA NUIT DÉCALÉE
TERRA FORMARS + THE LURE

Chaque année, le festival s’encanaille le temps d’un double ou triple programme voulu comme ouvertement bis lors d’une séance sympathiquement agitée. Pour cette édition, le trublion Takashi Miike a été convoqué à travers ce qui est malheureusement l’un de ses films les moins réussis, l’adaptation pourtant ultra attendue du manga bien énervé Terra Formars de Yû Sasuga et Kenichi Tachibana, où des humains modifiés se rendent sur Mars pour se cogner des cafards mutants. En choisissant de rester fidèle à sa source, le scénario se force à adopter une structure bancale et répétitive (l’activation des pouvoirs des héros !) qui se base sur une dramaturgie factice pour déployer ses morceaux de bravoure plutôt spectaculaires (le film a de la gueule), mais moins trash que ceux de la BD. Un gros blockbuster mécanique, certes soigné aux entournures (les cafards profitent de maquillages particulièrement convaincants, plus que ceux des héros insectoïdes), mais au sein duquel on a bien du mal à reconnaître la patte Miike (qui a depuis enchaîné sur deux autres adaptations de manga, L’Habitant de l’infini et Jojo’s Bizarre Adventure). À l’inverse, The Lure, second film de la nuit et premier long de la Polonaise Agnieszka Smoczynska, est une proposition singulière mêlant onirisme, érotisme, comédie musicale et horreur pour conter l’histoire de deux (très) jeunes sirènes devenant chanteuses à écailles dans un rade ringard. Au-delà d’une approche plastique séduisante (la photo arbore des couleurs doucement acidulées qui collent bien à l’univers du film) et de numéros musicaux aux élans electro-pop convaincants, le script s’enlise parfois dans des enjeux mille fois vus ailleurs (l’une des sirènes tombe amoureuse d’un humain et veut renoncer à sa nature hybride, ce qui suscite bien sûr la colère de l’autre) et pâtit d’un duo de comédiennes inexpressives qui diminue singulièrement la portée d’un film certes décalé, mais dont les atours dramatiques échouent à ériger la fable punko-poétique qu’Agnieszka Smoczynska aspirait visiblement à créer.

L.D. 
 

EN COMPÉTITION
RUPTURE DE STEVEN SHAINBERG

Qu’est-il arrivé à Noomi Rapace pour qu’elle soit réduite à interpréter des rôles lambdas dans de vagues séries B ? Elle campe ici une mère célibataire ultra cliché qui voit l’éducation de son fils torpillée par un ex-mari agressif et absent (deux personnages à l’utilité scénaristique proche du néant). On repassera pour la finesse de la caractérisation des personnages (au sein desquels on déniche une autre ex-star en menace de has-beenisation, le Michael Chiklis de The Shield)… Pas plus de finesse à l’horizon du côté scénario : Noomi se fait enlever (l’occasion d’une des seules scènes vaguement intéressantes du film) pour être conduite dans un bâtiment clos où d’autres malheureux sont retenus captifs, et dont elle tentera par tous les moyens de s’échapper. Le propos de Rupture ? Montrer comment, poussé par son instinct de survie, l’humain peut parvenir à se transcender. Sauf que le « brulot », qui se déroule principalement dans des couloirs et des conduits d’aération vaguement claustros, est auréolé d’un sous-texte douteux sur l’évolution de l’homme… ou sa stagnation. Il est donc bel et bien question de rupture ici, même si cette dernière risque plutôt d’être initiée par le spectateur, incapable de s’attacher un minimum à des protagonistes écrits sur un coin de nappe et enlaidis par une mise en scène pataude et une direction artistique d’une laideur consommée.

A.G.


HORS COMPÉTITION
VIRAL DE HENRY JOOST ET ARIEL SCHULMAN

Alors que de mystérieux parasites transforment la population en pantins homicides, deux soeurs, assignées à résidence, pensent être à l’abri du danger. Jusqu’au moment où l’un de leurs voisins vient frapper à leur porte… Révélé en 2010 avec le fascinant Catfish (un documentaire dans lequel un homme se rend compte que la fille qui lui fait du gringue sur le Net n’est pas celle qu’elle prétend être), le duo Henry Joost/Ariel Schulman s’est fait une place à Hollywood en signant les opus 3 et 4 de la saga Paranormal Activity, qui adoptaient la nature intradiégétique de leur coup d’essai. Avec Viral, les deux compères abandonnent le procédé du found footage pour accoucher d’une série B horrifique à l’ancienne et dont la mise en scène – à la fois ample et intimiste – s’avère bien plus assurée que bon nombre d’autres productions Jason Blum du même acabit. Quelque part entre La Nuit des fous vivants de Romero et le Rage de Cronenberg, ce teen movie sous (bonnes) influences peut également se targuer de reposer sur un trio d’adolescents plus attachant que la moyenne, même si les évidentes coupes opérées sur le script original viennent parfois entacher la cohérence d’une oeuvre se terminant un peu trop abruptement. Mais ce qu’il perd en profondeur, Viral le rattrape en efficacité, le temps de scènes de terreur « corporelle » (la fête qui tourne mal, l’opération improvisée dans la baignoire) qui donneront à n’en point douter la chair de poule aux acarophobes et anthelmophobes.

J-B.H.



PRIX DU JURY JEUNES
THE AUTOPSY OF JANE DOE D’ANDRÉ ØVREDAL

Découvert avec Troll Hunter, André Øvredal prouve qu’il possède plus d’une corde à son arc en signant ce surprenant huis clos horrifique qui a récolté le Prix du Jury Jeunes de cette cuvée 2017. Une reconnaissance amplement méritée.
Un shérif débarque dans une maison, lieu d’un crime où a été retrouvé le corps d’une inconnue enterrée au sous-sol. Il décide d’apporter le cadavre de cette « Jane Doe » à la morgue locale tenue par le coroner Tommy Tilden (Brian Cox) et son fils Austin (Emile Hirsch) qui, en secret, rêve de quitter la ville pour voler de ses propres ailes. Intrigués par cette affaire, les deux hommes décident de faire une nocturne afin de comprendre ce qui a pu arriver à la jeune femme, dont le corps ne présente aucune blessure apparente. Alors que la nuit tombe, les indices commencent à raconter une histoire étrange… Projeté en 2011 lors de la 18e édition du festival gérômois, Troll Hunter avait séduit la critique et le public en s’imposant comme un found footage enlevé et énergique, faisant de son géniteur, le Norvégien André Øvredal, un cinéaste à surveiller de près (même pour ceux qui, à l’instar de l’auteur de ces lignes, sont réfractaires au procédé de la caméra subjective). Bonne nouvelle, The Autopsy of Jane Doe confirme tout le bien que l’on pensait de ce réalisateur, qui cherche ouvertement à rompre avec le style et le ton de son précédent effort. Oubliés, les images tremblotantes au rendu sous-exposé, la pléthore de personnages et le second degré appuyé de Troll Hunter : le long-métrage affiche une élégance (mouvements de caméra fluides, photographie séduisante, musique orchestrale) et une simplicité narrative (unité de temps, d’action et de lieu) qui lui permettent de se démarquer de son prédécesseur. Mieux, en s’attachant les services de comédiens aussi investis qu’Emile Hirsch et Brian Cox, Øvredal rend immédiatement crédible et humain son duo de légistes mettant à profit leur savoir-faire pour mener à bien une enquête impossible. Fort de cet aspect scientifique absolument passionnant, The Autopsy of Jane Doe distille avec soin les indices relatifs à la véritable nature de son personnage-titre, un corps inerte que le metteur en scène rend pourtant aussi vivant que les deux hommes qui la dissèquent. Du pur effet Koulechov qui, selon les inflexions d’un montage savamment étudié, permet à un même plan de susciter différentes émotions en fonction des images qui le précèdent ou lui succèdent. À la fois simple et efficace, la méthode permet à The Autopsy of Jane Doe de provoquer un sentiment de terreur palpable, même si la seconde moitié du film se perd parfois dans des effets faciles (trop de jump scares) qui prennent le pas sur les ramifications psychologiques de l’intrigue. Heureusement, le climax remet définitivement l’ensemble sur de bons rails en faisant fi du « bigger & louder » dopé aux effets numériques généralement associé à ce type d’exercices, Øvredal optant pour une simplicité visuelle nettement plus efficace sur la durée. Pas surprenant que Stephen King lui-même ait adoubé cette oeuvre aussi attachante que réussie.

J-B.H.



HORS COMPÉTITION
THE VOID DE JEREMY GILLESPIE & STEVEN KOSTANSKI

Jeune shérif d’une petite ville de l’Amérique rurale, Daniel tombe un soir sur un quidam ensanglanté et déphasé qu’il emmène à l’hôpital du coin, où travaille son ex-femme. Peu après débarquent deux rednecks peu amènes bien décidés à flinguer le blessé, puis une bande d’encapuchonnés aussi silencieux que flippants. Le début d’une longue nuit qui mènera Daniel et ses compagnons d’infortune aux portes d’une sombre dimension… Oh le joli pot-pourri fanboyesque que voilà ! De Assaut au Stuart Gordon période From Beyond en passant par Stephen King (on pense à Revival), Clive Barker et Lovecraft… Mazette ! Faut dire que derrière The Void se cachent deux membres du collectif canadien Astron-6, responsables de péloches citationnelles souvent bancales (The Editor, Manborg) et parfois sympathiques (Father’s Day). On reste donc ici dans le domaine du bis conscient et déférent, avec une grosse rasade de gore qui tache et de prothèses old school, réhaussé par une virée finale dans une dimension infernale qui fait de l’oeil à L’Au-delà de Fulci. Bien sûr, la moitié du cast manque de gueule, la photo est parfois dégueulassement sous-ex’ et les SFX accusent de temps à autre le manque de thunes, mais merde, que serait un festival de ciné fantastique sans un gore fest généreux qu’on s’enfile comme on se glisse dans de vieux chaussons qui, certes, sentent un peu les pieds, mais se révèlent délicieusement confortables…

L.D.



HORS COMPÉTITION
KEEPER OF DARKNESS DE NICK CHEUNG

Sacrée carrière que celle de Nick Cheung. Ancien flic reconverti en acteur, il gravit les échelons jusqu’à devenir le chouchou de certains des meilleurs réalisateurs hongkongais (Johnnie To, Dante Lam) qui lui offriront des rôles dans une poignée de chefs-d’oeuvre (les Élection, Exilé) ou de petites bombes (The Crash, The Insider). Puis le Cheung se pique de passer derrière la caméra, avec un premier essai aussi surprena [...]

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