2020 Le bilan !

C’est l’immuable cycle de la vie : qui dit numéro de janvier dit bilan de l’année précédente. Saut que 2020 n’a ressemblé au aucune autre année, ce qui se ressent forcément sur les choix de la rédaction et sur les interrogations d’une Mad Team tiraillée par des questions cinéphilico-existentielles, comme vous pourrez le constater dans le débat qui suit... Allez, ciao 2020, bon débarras, et 2021, si tu pouvais faire un effort pour redresser la barre, ce serait sympa, merci !

INTERVENANTS FRANÇOIS CAU, CÉDRIC DELELÉE, LAURENT DUROCHE, GILLES ESPOSITO, FAUSTO FASULO, JEAN-BAPTISTE HERMENT & ALEXANDRE PONCET.

F.F. Cette année, c’est clairement le top/flop le plus difficile qu’on ait eu à faire. En me référant aux notes que vous avez mises à certains des titres présents dans vos tops, il y a quand même eu pas mal de choix par défaut, c’est-à-dire des films qui, d’autres années, ne seraient clairement pas entrés dans vos classements. Si on suit la règle un peu basique des avis chiffrés, certains de ces films plafonnent à une note de 4/6, alors qu’habituellement, dans nos classements, on met plutôt des films qui sont compris entre 4,5 et 6. Je sais qu’en ce qui me concerne, vers la fin de mon top, j’ai quand même bien ramé, j’y ai mis des oeuvres qui, d’autres années, n’auraient pas eu cette place.

C.D. Après, au-delà de l’absence de gros films très attendus pour cause de pandémie, j’ai quand même le sentiment que 2020 n’a pas été une année vraiment brillante.

A.P. Ça ressemble à une année de transition. Hollywood semble avoir usé toutes ses recettes à succès : les films d’action, les Star Wars, et avant même le premier confinement, tout le monde avait l’air de se regarder en chien de faïence. Mourir peut attendre a beau être très attendu, c’est « juste » un nouveau James Bond. C’est assez angoissant. Ma première impulsion, c’était de mettre Akira en tête de mon top. Ça veut dire beaucoup de choses.

G.E. Je vais peut-être donner l’avis le moins pessimiste sur cette année, dans le sens où la situation m’a un peu arrangé : d’habitude, j’ai envie de citer une quinzaine de films, voire une vingtaine, et là, comme il y a moins de trucs qui sont sortis, je suis arrivé à dix sans me creuser la cervelle. Et pour chacun d’entre eux, j’étais content de le mettre dans mon top.

L.D. Je n’ai pas spécialement eu de mal à le remplir non plus, même si en bas du classement, j’ai mis un film comme Underwater qui, dans l’absolu, n’est pas non plus extraordinaire. En revanche, c’est le genre de péloche qui fait vraiment super plaisir à voir sur grand écran, et pour une année où on a été largement privés de salles, j’ai eu envie de raviver cette émotion. Donc pas trop de souci pour remplir le top, mais une remarque tout de même : le plus souvent, le titre que je mets tout en haut, c’est le genre de films que j’aimerais emporter dans ma tombe. Cette année, ce n’est pas forcément le cas. J’adore The Hunt, mais ce n’est pas un long-métrage que, par exemple, je montrerai religieusement à mon fiston en ayant l’impression de lui transmettre quelque chose de vital. Si je l’ai choisi, c’est surtout parce que le long-métrage tape très fort sur tout ce qui nous fait idéologiquement chier depuis quelque temps.

F.C. The Hunt, c’est un peu « 2020, le film », le virus en moins.

L.D. C’est ça ! Donc le top, pas trop de souci pour le remplir, même si on n’y trouve aucun chef-d’oeuvre. Pour les flops, en revanche, ç’a été compliqué, parce qu’avec le flux de la VOD, il y a tellement de merdasses qu’au bout d’un moment, il n’y a même plus de réflexion sur la valeur intrinsèque de chaque film. C’est un peu le marché de la merde. Bon, celui que j’ai mis en pire film de l’année, à savoir Jojo Rabbit, il y est pour une bonne raison, car il m’a vraiment ulcéré. Mais pour le reste, il était difficile de dire qu’un élément spécifique propulsait tel ou tel film à une place précise de la liste.



F.F. Il est vrai que la VOD et la SVOD sont des données très importantes dans nos tops/flops cette année. Et ça me rend vraiment pessimiste. Par rapport à vous tous, je suis peut-être celui qui consomme le moins ce cinéma-là. Pas du tout par conviction, mais plutôt par une totale absence d’envie de me bouffer à la chaîne des trucs en VOD. Et quasiment à chaque fois que je l’ai fait, ben ça a fini dans les flops ! (rires) Le nombre est là, mais la qualité y est rarement, et surtout, ce sont des films qui ne sont jamais clivants. Je n’ai pas envie de tout mettre dans le même panier non plus, mais je trouve qu’il y a une certaine régularité dans la médiocrité en matière de cinéma fantastique disponible sur les plateformes. C’est hyper inquiétant, et j’espère que cette espèce de « norme » ne va pas finir par contaminer la production des salles – si la salle perdure dans les années à venir. Cela concerne même les oeuvres qui étaient vraiment vendues comme le haut du panier des plateformes, comme… La Plateforme tiens, qui était annoncé comme une production de qualité et qui s’est révélé assez médiocre. Je suis beaucoup moins enthousiaste que certains d’entre vous sur His House, pareil pour N’écoute pas… Finalement, le long-métrage qui m’a donné le plus de sensations cette année, c’est peut-être celui qui a été le plus contesté dans la presse et par le public, à savoir Tenet. Qu’on aime ou pas le film, c’est ce que j’ai vu de plus marquant en 2020. Parce qu’en sortant de la salle, j’avais vraiment l’impression d’avoir vécu un truc. Finalement, c’est un peu le film seul cette année à avoir créé un minimum de débat.

L.D. Après, il y a un paradigme nouveau cette année, une sorte d’entre-deux : des films normalement prévus pour la salle se sont retrouvés sur les plateformes, et ont fini pour certains dans nos tops ou flops. Ces titres sont-ils diversement appréciés parce que le public les découvre finalement en VOD plutôt qu’en salle ? Je pense à Pinocchio, à Mulan, à Bloodshot… Je ne sais pas à quel point ça peut avoir un impact sur leur réception publique et critique.

F.F. Je ne suis pas certain que les réalisateurs qui tournent pour une plateforme adaptent leur mise en scène pour cette raison. Ils le font sans penser au moyen de diffusion, ça n’a pas d’impact sur leur « vision »…

L.D. Bien sûr, mais un film comme Mulan, qui a disposé d’un budget pharaonique, a clairement été pensé comme un gros spectacle destiné aux grands écrans des multiplexes, et c’est là que je me demande si son impact est le même en VOD.

F.F. Quand je parlais d’une typologie de films spécifiques sur les plateformes, je n’incluais pas les cas particuliers que sont Bloodshot ou Mulan, mais plutôt ces espèces de films fantastiques « du milieu », qu’on ne voit plus en salles, parce qu’ils n’appartiennent pas à des franchises ou ne sont pas distribués par des majors. Ceux-là me semblent plus ou moins coulés dans le même moule, car on sait qu’ils suivent un cahier des charges, ne serait-ce que moral, qui est imposé à certaines productions. Ce qui fait que des réalisateurs vont devoir se fondre dans la masse pour pouvoir rejoindre les catalogues de Netflix ou Prime Vidéo.

G.E. En effet, il y a une face émergée de l’iceberg avec les films destinés à la salle qui ont été détournés sur les plateformes, ainsi que des productions de prestige produites par Netflix, comme les derniers Charlie Kaufman, Scorsese ou Fincher. Mais là, ce sont seulement les plateformes qui sortent les liasses de billets pour épater la galerie en disant aux cinéastes : « C’est open bar ! ». Mais Netflix s’est rendu compte que peu de personnes étaient allées au bout des trois heures et demie de The Irishman. Donc on est pris dans ce menu coulissant des films Netflix, qui va à l’infini, et qui est rempli de films pas forcément tous mauvais, mais qui oscillent très souvent entre le moyen et le médiocre. Les films grindhouse ou bis qu’on trouvait naguère dans les salles, c’était dingue, et ce qui sortait directement en VHS, ça avait un certain charme, mais c’était déjà en voie de formatage.

F.C. Au-delà du discours à la « C’était mieux avant et on est des vieux cons », je pense qu’il n’y avait pas le même rapport à l’objet film. Dans le dématérialisé, il n’y a pas la même saveur que quand on a l’objet dans la main, qu’on allait acheter ou louer le film. On a énormément perdu ce rapport avec l’arrivée de la VOD. Quand je faisais la liste de ce que j’ai vu cette année, parfois, je me disais : « Mais c’est quoi ça, déjà ? &raqu [...]

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